Le Christ advient parmi nous à chaque fois qu’un véhicule de secours quitte une caserne pour répondre à une demande de secours, à chaque fois qu’un FPT, une EPA, un VTU vient au devant de la détresse humaine.
Le Christ advient à chaque fois que l’équipage sapeurs pompiers d’un VSAV vient en aide et tente de sauver une personne, alors oui à ce moment là, le Christ est là.
Mais le Christ advient aussi dans des missions a priori peu valorisantes, par exemple à chaque fois que ce même VSAV va relever dans la nuit une personne âgée dépendante seule chez elle ayant chuté de son lit, alors oui à ce moment là, la présence de Dieu se manifeste concrètement chaque fois un peu plus.
En effet, l’homme a besoin de verticalité, de profondeur, de sens divin : en un mot d’Espérance et de promesse de vie.
C’est dans l’évangile de saint Matthieu que je viens de proclamer : j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !” J’avais fait le 18 pour une urgence, et vous êtes venu avec un VSAV, laissant vos familles, vos proches, votre travail, j’ai fait le 18 et vous êtes venus me porter secours, et le Christ de continuer, "à chaque fois que vous l’avez fait pour un de vos frères en humanité, c’est à moi que vous l’avez fait."
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Les hommes et les femmes de ce monde, les sapeurs pompiers ne vivent pas seulement de nourriture terrestre. Notre société a besoin de transcendance, l'homme a besoin de Dieu, et pas seulement dans les moments difficiles.
Alors qu'est ce qui motive les sapeurs pompiers à s'engager, qu'est ce qui nous fait vivre, qu'est-ce qui parle à nos cœurs, au fondement primitif de cet engagement ? Nous y trouvons des valeurs profondément chrétiennes d'espérance, de foi et de charité. Et les sapeurs-pompiers incarnent pleinement cette solidarité, cette charité. Qu'ils le veuillent ou non, ils sont le signe de la proximité de Dieu avec les hommes.
Mais, il ne faut pas seulement être dans l'action, dans le 'faire', il faut avant tout 'être'. La question fondamentale est de savoir dans quelles dispositions intérieures accueillons-nous, accueillez-vous vos missions et les personnes secourues ?
Il s'agit bien d'être avant de faire, pour ensuite s'accomplir dans l'action et vivre les paroles du Christ : "ce que vous avez fait au plus petit d'entre vous, c'est à moi que vous l'avez fait". Alors donnons du sens à nos engagements.
L'Homme n'est pleinement Homme dans son accomplissement que dans l'engagement et le don. Et ce don passe notamment par le don de son temps pour les autres. C'est ce que vous vivez, intervention après intervention, formation après formation, garde après garde : le don de votre temps au cœur de votre engagement.
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Cet Evangile de Saint Matthieu (25, 33-46) que nous venons d’entendre nous dévoile un point capital de foi chrétienne : le jugement dernier, c'est-à-dire le retour du Christ à la fin des temps.
Et l’image utilisée par l’évangéliste pour illustrer ce jugement dernier, pour mieux nous le faire comprendre, est l’image du berger qui sépare ses brebis des boucs. C'est-à-dire qu’il sépare d’un coté ceux qui ont agi selon la volonté de Dieu, en secourant leur prochain qui avait faim, qui avait soif, qui était étranger, nu, malade, en prison, et de l’autre ceux qui n’ont pas fait de telle action.
Et le but de cette parabole est de nous dire au final que nous serons jugés par Dieu sur la charité, sur l’altruisme, sur la manière dont nous aurons aimé, aidé, nos frères en humanité, en particulier les plus faibles et les plus démunis.
Bien sûr, nous devons toujours bien garder à l’esprit que la foi est avant tout un don que nous avons reçu de Dieu lui-même. Mais il faut aussi que nous apportions à ce don, notre libre consentement dans nos actes et nos pensés.
Par sa vie et sa résurrection, le Christ est venu nous apporter la miséricorde du Dieu qui sauve et notre propre résurrection à la fin des temps.
Mais avant cela, ce qui nous est demandé sur cette terre, c’est de nous configurer au Christ-serviteur par une vie bonne et juste, faite d’actions animées par la foi et par l’amour.
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La sécurité des intervenants doit prévaloir, mais en votre qualité de sapeur-pompier, s’engager jusqu'à risquer sa vie peut arriver un jour. Chacun doit y réfléchir une fois en son for intérieur, en son âme et conscience. Chacun doit réfléchir à ce don total.
Alors évidement, s'il s'agit de sauver ses propres enfants, sa famille, la réponse à la question de risquer sa vie parait évidente.
Elle l'est peut être déjà un peu moins lorsqu'il s'agit de son binôme d'engagement, de son collègue qui par exemple met en péril la mission suite à une erreur personnelle.
Et la question de risquer sa vie est certainement encore plus difficile lorsqu'il s'agit de s'exposer pour sauver un inconnu.
C’est pourtant ici, dans ce choix personnel, que se révèle la grandeur de l’Homme : s’engager pour porter secours à l’autre, pour tenter de sauver mon frère en humanité et en fraternité. Le Christ nous attend là : dans l'engagement.
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Les valeurs de courage et de dévouement, mais aussi d’engagement, d’esprit d’équipe, d’altruisme et de respect qui animent les sapeurs pompiers, sont des valeurs profondément chrétiennes car répondant au sens profond de l’homme : être présent, disponible et s’engager pour l’autre, pour son frère en détresse.
Et ainsi devant la douleur, la souffrance, l’injustice, il n’y a pas de faux-semblants, pas de masque : la vérité de l’être apparaît intégralement, sans artifice.
Alors, même si elle n’est pas de ce monde, la royauté du Christ advient déjà à chaque fois qu’un véhicule de secours quitte une caserne de sapeurs pompiers pour répondre à une demande de secours, à chaque fois qu’un FPT, un VSR, un VTU ou un VPI vient au devant de la détresse humaine, à chaque fois que l’équipage d’un VSAV tente de sauver une personne, mais aussi à chaque fois que ce VSAV va relever une personne âgée dépendante seule ayant chuté de son lit dans la nuit, alors oui à ce moment là, le royaume de Dieu advient à chaque fois un peu plus.
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La raison pour laquelle je viens de lire l'Évangile du Bon Samaritain est évidente : n’est-ce pas là le modèle de tout sapeur pompier ? « Voyant l’homme blessé au bord de la route, il fut pris de pitié, il s’approcha, pansa ses plaies en y versant de l’huile et du vin, puis le chargea sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui. »
Voilà une attitude que Jésus donne en exemple et qui est conforme à la mission même des pompiers, il me semble : sois le prochain de tout homme.
Mais cet exemple, Jésus le donne pour faire comprendre une chose importante : le Samaritain est digne d’éloge car, dit Jésus, il s’est fait le prochain de l’homme blessé. Celui qui questionne Jésus, lui demandant « Et qui est mon prochain ? » raisonne en effet comme beaucoup de gens : il veut bien rendre service à son prochain, mais avant tout, il veut savoir qui est son prochain, et qui ne l’est pas. L’enseignement de Jésus consiste au contraire à ne pas se poser la question de cette façon : « Ne te demande pas, QUI est ton prochain (et qui ne l’est pas), ni s’il mérite d’être le prochain, ni s’il remplit les conditions pour être ton prochain, toi, fais toi le prochain de tout homme. »
Le secours sans condition.
De ce point de vue, le service des Sapeurs pompiers s’inspire d’une valeur évangélique fondamentale : tout homme mérite d’être secouru, parce que c’est un homme, et cela sans aucune autre espèce de considération. Cette valeur, vous et moi, nous nous retrouvons dans l’engagement commun pour la défendre. Car les sapeurs pompiers se montrent fidèles à leur mission non seulement en portant secours, mais surtout en portant secours à quiconque en a besoin, sans se poser de questions : « Qui est-il ? Y a-t-il droit ? Est-ce nécessaire ? Ne peut-il pas attendre ? A-t-il ses papiers ? A-t-il payé son loyer ? Ou son assurance ? A-t-il son permis ? A-t-il de quoi rembourser ? Est-il en tord ? » Ces questions ne sont pas les vôtres. Elles s’effacent devant l’unique préoccupation de secourir chacun du mieux possible, avec tous les moyens à disposition, sans aucune considération de race, de religion, d’origine, d’âge, de situation sociale ou financière. Même le danger que présente parfois l’intervention pour les sapeurs n’est pas pour eux une raison de la refuser, tout au plus un appel à davantage de compétence.
Un dévouement menacé.
Pour avoir discuté avec votre chef de corps, je sais que les missions qui vous sont confiées ont évolué ces derniers temps. A l’origine de votre corps, combattre le feu se comprenait moins comme un secours des personnes que de limiter l’étendue des sinistres. Mais ces dernières années, le secours aux personnes a pris une part croissante. Et si on se réjouit que les accidents de la route soient moins fréquents et moins graves, on constate une augmentation des détresses domestiques : malaises, évacuation vers les hôpitaux, et même accouchements inopinés !
Mais il ne faut pas être naïf : un tel dévouement sans condition n’a rien de naturel dans nos sociétés. Aussi faut-il rester très vigilant pour que rien ne vienne l’atteindre, mais au contraire faire en sorte de pouvoir toujours garantir ce secours sans condition. Je suis très inquiet quand j’entends que vos confrères sont agressés lorsqu’ils interviennent quelque part. On veut les obliger à se demander : « Ah, cet appel vient de tel quartier, de tel endroit, de telle rue : faut-il y aller ? » Je suis inquiet de même lorsque j’apprends que des abus se produisent, que des médecins trouvent plus commode d’appeler les pompiers plutôt que de prescrire un trajet en ambulance alors qu’il n’y a pas d’urgence. Car cela menace votre capacité d’être disponible à toute détresse. On va vous obliger à vous demander : « Ah, cela peut attendre, ce n’est peut-être pas si urgent. »
Un témoignage essentiel.
Il faut rester vigilant car la gratuité, le service sans condition, devient une denrée rare en nos sociétés. Chacun veut des droits ; chacun ne veut être dérangé que par ce qui le concerne ; chacun veut en revenir à l’instinct d’égoïsme, et finir par choisir qui est son prochain. C’est pourquoi je crois que votre action systématique et sans condition envers toute personne nécessitant un secours est un témoignage essentiel pour aujourd’hui. Il est proprement évangélique, au sens où il rejoint une dimension très importante de l’enseignement de Jésus : il n’y a pas de conditions à poser lorsqu’on vient en aide à son prochain. Mais comme tout témoignage, il entre en contradiction avec les fonctionnements habituels des sociétés et des hommes, où l’on vise avant tout son propre intérêt.
Il veille à vos côtés.
De ce point de vue, les sapeurs pompiers ne sont pas seulement des veilleurs vigilants répondant à toute heure aux appels de détresse, ils sont aussi, de façon plus fondamentale, les veilleurs d’une société tentée par la marchandisation et la judiciarisation des rapports entre les gens, par l’absence de dévouement et de gratuité. Heureusement, l’homme de foi sait que l’être humain n’est pas seul à veiller en des temps difficiles, mais que le Seigneur monte la garde dans le cœur des hommes, et continue de susciter des veilleurs dévoués. Comme le dit l’auteur du Psaume : « Si le Seigneur ne garde la ville, c’est en vain que veillent les gardes. » Vous trouverez la vigilance et la persévérance nécessaires dans la certitude que le Seigneur veille à nos côtés. Amen.