La prière est un combat
On dit volontiers que la prière est la respiration du croyant, et que sans cela il meurt. C'est assez culpabilisant, et même franchement asphyxiant. En réalité la prière est un combat, un combat difficile. Tout le monde peut-être un jour à la peine, même un prêtre ou des moines.
Le premier enjeu, c'est d'être là, d'être vraiment là, de ne pas envoyer quelqu'un d'autre prier à notre place. C'est à dire cette version de moi qui n'a jamais de haine ni de colère dans le cœur, qui n'est jamais jaloux, qui accepte joyeusement tous les événements comme l'expression de la volonté de Dieu... bref un autre moi parfait que j'envoie si souvent prier à ma place. Il n'a pas de défaut , ou plutôt il n'a qu'un défaut ; ce n'est pas moi. Si la prière est un combat, je ne le gagnerai pas en envoyant un avatar de la personnalité, lisse et sans aspérité. C'est à moi d'y aller avec tout ce que j'ai d'imparfait, de gênant, de honteux, de cassé, mes désirs et mes colères. Bien des gens se plaignent qu'il ne se passe rien dans leur prière. C'est très souvent parce qu'il ne sont pas là, parce qu'ils n'osent pas être là, comme si leur vraie présence risquait d'indisposer Dieu. Cacher à Dieu dans la prière ce qui nous préoccupe vraiment , ce que nous avons en nous, c'est faire semblant de croire que Dieu ignore quelques choses de nous, et se couper la possibilité de se laisse toucher par Dieu lui-même.
Un combat contre nous-même
Le premier combat de la prière n'est pas à mener contre Dieu, mais contre nous-même, parce que nous avons peur de ne pas être aimé si nous sommes nous-mêmes.
Mais une fois bien présents, nous devons encore lutter. Il y a des distractions involontaires, bien sûr, et il y a aussi des distraction volontaires. Ainsi, parce que c'est plus reposant, on préfère bien souvent avoir des belles pensées sur Dieu plutôt que d'être réellement avec Dieu.
Si nous ne luttons pas, alors la vie chrétienne perd progressivement toute sa saveur. Et quand l'absence de Dieu ne nous fait plus souffrir, c'est qu'il y a un problème. Il faut lutter, lutter contre l'ennui, le découragement. La bonne nouvelle, c'est que les chrétiens qui regrettent de ne pas savoir prier, qui abandonnent mais qui reprennent, qui ne perdent pas ce désir de Dieu mais le voient se creuser en eux, douloureusement, ceux-là prient. Ils prient comme il respirent, c'est à dire sans y penser. Ils savent que la prière est un combat, mais ils ne rendent pas compte qu'il sont en plein dedans.
Porte fermée
On arrive difficilement à la prière dont on rêve, aérienne et joyeuse. On fait plutôt généralement des efforts pour forcer la porte fermée de cette prière idéale. On la pouce, on tape dessus, on y met tout son être avec pour accéder à la plénitude de cette relation privilégiée avec Dieu. Et un jour on comprend pourquoi on n'arrive pas à la forcer. C'est parce que cette porte s'ouvre de l'autre sens : Dieu que nous cherchons à atteindre pousse aussi de son côté pour nous rejoindre, alors la porte se bloque. Nous voulons nous saisir l'un l'autre, mais la seule solution, c'est que j'accepte que ce soit lui qui ouvre la porte, lui qui me saisisse. Que j'arrête de m'occuper de moi, de me demander si je suis un bon chrétien, si je fais bien ce qu'il faut, pour commencer à m'occuper de lui, à le laisser venir à sa manière, parce que c'est le seul chemin.
La prière n'est pas autre chose que le désir de la présence de Dieu. C'est la prière que prêtre dit à voix basse après avoir rompu le corps du Christ pendant l'Agneau de Dieu "Fais (...) que jamais je ne sois séparé de toi".